Pétition pour que le jeu soit reconnu comme produit culturel par l’état Français
Les créateurs de jeux sont en mal de reconnaissance. Appuyés par les réseaux ludiques, ils souhaitent une harmonisation légale sur le principe des droits des créations de l’esprit. Pour les soutenir nous avons lancé une pétition pour que le jeu soit reconnu comme produit culturel par l’état Français.
Alerter le gouvernement sur le besoin de reconnaissance des jeux comme produits culturels
Les créateurs de jeux sont en mal de reconnaissance. Certains d’entre eux, appuyés entre autres par les réseaux ludiques, souhaitent une harmonisation légale et fiscale avec le monde de l’édition des livres sur le principe des droits sur les créations de l’esprit.
Le 31 mars 2021, l’UEJ (Union des Éditeurs de Jeux) s’associe à La SAJ (Société des Auteurs de Jeux), au GBL (Groupement des Boutiques Ludiques) et au Réseau des cafés ludiques pour alerter le gouvernement sur le besoin de reconnaissance des jeux comme produits culturels.
Les demandes pratiques qui découlent de cette reconnaissance :
- création de subventions spécifiques à la création de jeux de société,
- reconnaissance du statut d’auteur de jeu de société,
- permettre l’achat de jeu de société avec le pass culture,
- faire du ministère de la Culture l’interlocuteur institutionnel du monde ludique, plutôt que celui de la Jeunesse et des Sports,
- faire reconnaitre aux institutions françaises l’existence de l’art ludique.
Continuer et renforcer la demande auprès du gouvernement
Nous ne sommes pas les premiers à poser des questions sur ce problème. Nous soutenons toute initiative pour défendre les droits des partenaires du monde du jeu de société. En cela, nous sommes en accord total avec la mission principale de l’U.E.J : la reconnaissance du jeu de société en tant que produit culturel.
En 2023, Mme Sylvie Robert appelle l’attention de Mme la ministre de la culture sur la reconnaissance du jeu de société comme uvre de l’esprit et sur les conséquences qui en découlent pour leurs auteurs.
Aujourd’hui, le jeu de société est un phénomène socioculturel indéniable. À la pratique institutionnelle des jeux de société traditionnels, scrabble, échecs, dominos etc., s’est ajouté le développement des jeux d’édition, véritable entreprise créative et dynamique en plein essor depuis trente ans. Les ludothèques, les magasins ludiques, les bars à jeux, les associations de joueurs participent de cet engouement et se structurent en réseau.
Cette évolution culturelle et sociétale conduit à réfléchir à la définition même du jeu de société et, partant, au statut de ses auteurs, insuffisamment protégés actuellement. Pour remédier à ces carences, il est tout à fait envisageable d’intégrer les jeux de société - ou uvres ludiques - dans le corpus des uvres de l’esprit mentionnées à l’article L.112-2 du code de la propriété intellectuelle.
Ce faisant, les créateurs de jeux de société bénéficieraient du statut d’artiste-auteur, en particulier du régime social des artistes-auteurs. D’autre part, cette perspective permettrait de mieux cadrer les relations contractuelles entre les auteurs et les éditeurs, et de s’assurer que les premiers perçoivent une rémunération juste et appropriée.
Elle souhaiterait donc savoir si le Gouvernement est favorable à la reconnaissance du jeu de société comme uvre de l’esprit et souscrit à l’élaboration d’un statut protecteur pour ses auteurs.
En 2021, Mme Nadia Sollogoub attire l’attention de Mme la ministre de la culture sur la question de la reconnaissance du jeu de société comme produit culturel. En effet, les jeux de société enrichissent les connaissances et les compétences cognitives des utilisateurs, constituent un moyen de socialisation important et ont été d’une grande aide, notamment pour les parents à destination des enfants, durant les confinements successifs. En témoigne une forte hausse enregistrée dans la vente de ces jeux pendant ces périodes. Au même titre que les livres ou les films par exemple, ils appartiennent tout autant au monde de la culture car il s’agit d’une expérience conceptuelle et humaine, d’une uvre de l’esprit. Pourtant, ils ne bénéficient actuellement pas d’une véritable reconnaissance en tant que « produit culturel ».
Elle lui demande, en conséquence, si le Gouvernement entend reconnaître les jeux de société comme des produits culturels.
La notion de produit culturel
La première typologie des produits culturels par activités est celle donnée, en 1987, par le « Ministère de la Culture et de la Communication », qui définit quatre ensembles principaux d’expression, de production et de diffusion artistique :
- Les services culturels (patrimoine, musées et arts plastiques, spectacle vivant),
- La filière de l’écrit (édition de livres, presse),
- La filière son (édition de phonogrammes, radio),
- La filière de l’image (cinéma, télévision).
Cette définition datant de 1987, un groupe de travail européen sur les statistiques culturelles (Eurostat-2007) a plus récemment travaillé sur une définition consensuelle et pragmatique du champ culturel. Ainsi, en tout, on peut recenser une soixantaine d’activité que l’on peut recouper en 8 domaines : patrimoine artistique et monumental, archives, bibliothèques, livre et presse, arts plastiques, architecture, arts du spectacle, audiovisuel/multimédia, activités gravitant autour de 6 fonctions : conservation, création, production, diffusion, commerce, formation.
De plus, même si l’information qui va suivre peut porter sujet à polémique et induit une définition abusive du terme « produit culturel » – lequel naît d’une expression relevant du domaine artistique – et par conséquent de la notion de projet culturel, il est indispensable d’ajouter une nouvelle classification des produits de l’industrie culturelle. En effet, pour les organisations internationales comme l’UNESCO ou le GATT, les industries culturelles combinent « la création, la production et la distribution de biens et de services qui sont culturels par nature et normalement protégés par les droits de propriété intellectuelle ».
Jusque-là rien de nouveau, néanmoins, ces institutions ne limitent désormais plus le champ culturel aux seules activités précédemment citées et redéfinissent les industries culturelles en y intégrant de nouvelles activités : les industries créatives. À la croisée des Arts, du commerce et de la technologie, les « industries créatives » peuvent être définies comme « ces industries qui trouvent leur origine dans la créativité, les compétences et le talent d’une personne et qui ont un fort potentiel de croissance et d’emploi à travers la production et l’exploitation de la propriété intellectuelle » (UK Creative Industries Task Force, 1997).
Au regard de cette nouvelle catégorisation, le secteur culturel peut ainsi, selon certaines institutions, englober aujourd’hui une large variété d’activités créatives, de celles fortement industrialisées tels la publicité et le marketing, la radio, les industries du film, internet et l’industrie du mobile, les industries de la musique, l’édition, la publication électronique ou les jeux vidéo, à ceux moins industrialisés comme les secteurs traditionnels des arts visuels (peinture, sculpture), des arts du spectacle (théâtre, opéra, concerts et danse), les musées, les bibliothèques, l’artisanat, la mode, le design et les objets du quotidien, l’architecture, le tourisme culturel.
Témoignages des Auteurs de Jeu
Michel Lalet 2018, Les évolutions du droit, Auteur de jeux de société
“Jusqu’à une date toute récente, les auteurs de jeux n’existaient pas en France. Ni pour les organismes sociaux, ni pour l’administration fiscale, ni pour la justice. Toutefois, parce qu’à la fois l’essentiel des éditeurs français étaient des éditeurs de livres (Nathan ou Jeux Descartes par exemple, mais fut la même chose en Allemagne avec Ravensburger) et que la plupart des éditeurs européens avaient pour usage de rémunérer les auteurs de jeux en tant qu’auteurs, sans différenciation avec les auteurs de livres, nombre d’entre ceux-là se retrouvaient à percevoir de l’argent qui n’avait aucune existence légale en France et dont les organismes sociaux ne voulaient pas. Cette situation a créé des conflits que la justice ne savait pas arbitrer autrement qu’en considérant les auteurs de jeux incriminés dans ces procédures comme des entrepreneurs indépendants, des travailleurs de professions libérales ou pire, comme des gens ayant délibérément cherché à s’exclure de tout statut et à frauder le fisc! J’ai eu des entretiens de proche en proche au cours des vingt ans écoulés avec des administrateurs d’organismes sociaux représentant les auteurs (auteurs littéraires, artistes, cinéma…) indiquant que nous étions quelques dizaines de personnes dans ce pays, payées sous forme de droits d’auteur et désireuses de leur apporter notre argent, de cotiser à leurs caisses, que nous étions en tout cas à la recherche d’un lieu pour exister et avoir ne serait-ce qu’une couverture sociale et un embryon de statut légal!”
“Cette affaire portant sur des sommes vitales pour lui, Dominique Ehrhard l’a portée devant le tribunal administratif. C’est le sénateur de sa circonscription, Jean-Pierre Sueur, qui finira par débloquer le système, par le jeu des questions-réponses au cours des séances ouvertes du Sénat avec le ministre de l’Économie de l’époque. Le ministère jugeant in fine que les auteurs de jeux étaient des auteurs… tout simplement et qu’à partir de ce point de départ, le statut général des auteurs d’œuvres de l’esprit s’appliquerait à eux. Nous étions à cet instant en train de rejoindre le droit le plus commun en Europe sur ces questions. Et cela s’est passé en 2006, c’est-à-dire très récemment! Quant au terrain purement juridique ou judiciaire, l’avancée décisive se fera grâce à une affaire de contrefaçon ayant concerné le jeu Jungle Speed. Pour la première fois, un tribunal a considéré dans son jugement que les auteurs du jeu «sont bien fondés à se prévaloir de droits de propriété intellectuelle». C’est ainsi que l’on définit par ailleurs les «œuvres de l’esprit ››, ce terme ayant une importance considérable puisqu’il relie entre eux tous les sociaux, fiscaux et juridiques. Œuvre de l’esprit fait de l’auteur de jeux un “auteur” dans la pleine acception du terme. Lui confère donc un statut de droit social. […] Une reconnaissance des personnes dans toutes leurs dimensions alors que les jeux eux-mêmes les avaient précédés trouvant une place dans la vie de la cité. Il s’agit là, d’une bonne nouvelle.”
Bruno faidutti 2014
“Je touche entre 6 et 10% du prix de vente éditeur - plus ou moins la moitié du prix public - sur mes jeux. Je n’ai jamais vu de contrat à 12 ou 15%, mais je ne crois pas non plus en avoir jamais vu en dessous de 6%. De plus en plus souvent, ce sont des droits progressifs, par exemple 6% sur les 20.000 premières boites, 8% sur les 20.000 suivantes et 10% ensuite. C’est une excellente solution, ménageant les intérêts de l’éditeur - qui supporte des coûts fixes bien plus importants que pour un livre - et ceux de l’auteur, qui doit avoir intérêt à ce que le jeu se vende. Je ne pense pas bénéficier d’un traitement de faveur par rapport aux auteurs débutants. Certes, c’est un peu moins que ce que touchent les écrivains, mais je ne m’estime absolument pas floué. Cet article omet en effet deux points extrêmement importants.”
“Un éditeur de livres n’a généralement pas besoin de payer des illustrateurs, et l’impression d’un livre est infiniment plus simple que la fabrication d’un jeu et demande bien moins de travail de mise en page et de “prepress”. Il n’est donc pas choquant que l’éditeur, qui fait plus de travail, soit mieux rémunéré pour un jeu que pour un livre.”
“Le tirage initial d’un jeu de société est généralement de 3.000 ou 5.000 exemplaires, soit environ 5 fois plus que le tirage initial d’un roman chez un petit éditeur. Un auteur de jeu perçoit donc, dès le tirage initial, plus que l’auteur d’un roman, alors même que le travail qu’il a fourni est bien moindre. Le développement d’un jeu de société se mesure en dizaines ou centaine d’heures de travail, l’écriture d’un roman en demande le plus souvent quelques milliers - c’est une des raisons pour lesquelles je fais des jeux.”